Nicole Voilhes - Auteur de biographies romancées de couples célèbres du XVI siècle.
Fatum

Le Livre

En 241 avant J.-C., Daphné Byrsa, d’origine gréco-punique, est parfaitement heureuse chez ses grands-parents en Sicile. Son bonheur est remis en question lorsque les Romains remportent une victoire décisive sur Carthage et qu’ils envahissent l’île.
Daphné va tout perdre : ses grands-parents, ses biens, sa liberté.
Le destin vient de lui jouer un mauvais tour.
Son désespoir premier prend cependant le visage séduisant d’un tribun romain : Lucius Priscus. Tout les oppose mais les sentiments ne se commandent ni ne se raisonnent.
Lucius , très épris, souhaite narrer les souvenirs douloureux de son passé à Daphné et ainsi, pour apaiser ses scrupules, ne rien lui cacher du temps où il était esclave à Carthage.
VÀ lui aussi, le destin avait joué un mauvais tour.
Même instruite du terrible secret de l’homme qu’elle aime, Daphné accepte de l’épouser et d’affronter l’opprobre suscité par une histoire d’amour avec un ennemi.
De nombreuses péripéties vont émailler le cours de leur passion jusqu’à l’ultime blessure.
À dix-neuf ans, Daphné réalise que son destin ne lui appartient pas, qu’il lui faut le subir.
Terrible constat : ses lauriers sont coupés.

Extraits

1. « À la tristesse éprouvée, pour la première fois de ma vie, s’ajoute un sentiment nouveau : la haine.
Je hais Rome, je maudis les Romains.
Je vais avoir dix-huit ans, mon univers est au bord de l’abîme…
Puis-je encore trouver du goût à la vie ?
Insouciante, j’ai profité de la campagne sicilienne aujourd’hui sans réaliser ma chance de vivre en paix sur des terres qui sont encore miennes mais pour combien de temps ?
Plus que mon cadre de vie, il me faut savourer mon bonheur présent, ma famille. Même ridés, même courbés par les ans, mes grands-parents sont là, bien vivants à mes côtés et je ne peux envisager leur trépas. Que deviendrais-je sans leurs conseils, leur expérience ?
La saveur de la paix prend soudain un goût d’amertume que j’étais loin de soupçonner en me levant ce matin.
Car à moins que la flotte punique l’emporte sur celle que Rome va lui opposer, ce qui serait logique, la Sicile va oublier qu’elle a été grecque.
Nous allons entrer en barbarie. »

2. « Soif atroce, fatigue plombant mes épaules, j’aspire à la mort tant le sort de mes compagnes et le mien semble funeste. Combien de temps serons-nous obligées de demeurer assises, sans nourriture, sans eau, sans aucune possibilité de satisfaire un besoin naturel ? Accablées par le sort, nous n’avons même plus la force de gémir. Cruel contraste avec les Romains…
Un bruit sourd de galopade, le sol vibrant à l’approche de cavaliers, les légionnaires chargés de notre surveillance rectifiant leur position, se figeant tels des statues, et, auréolé par une gloire de poussière, j’aperçois, passant en trombe, un groupe d’hommes et de chevaux entourant la monture d’un personnage important coiffé d’un casque orné d’une crête rouge, porteur d’une cape de même couleur flottant au vent, sans doute pour laisser admirer son torse cuirassé, son imposante stature et ses cuisses musclées.
Un dieu descendu de l’Olympe ne me causerait pas plus grand émoi : cet homme, le tribun, sans doute, n’est rien d’autre que la réincarnation d’Apollon. »

3. « Afin de m’occuper, je vais aller faire un tour à la cuisine. Avant d’y pénétrer, j’entends Pitho, la servante âgée, admonestant ses jeunes auxiliaires :
- Fainéantes, attendez un peu que la maîtresse revienne, vous apprendrez à ne pas bailler aux corneilles. En voilà une sale habitude !
Est-ce parce que le maître est absent que les fèves n’ont pas besoin de tremper ? Et le pain ? Faut-il qu’on en manque ? Et l’eau va-t-elle jaillir du puits toute seule ? Les chèvres, c’est certain vont se traire sans votre aide et les poules viendront pondre dans la cuisine…
Secouez- vous, n’obligez pas la maîtresse à se fâcher, elle a bien assez de son chagrin à porter.
J’attends un moment de façon à laisser croire que je n’ai pas entendu la diatribe et, les servantes sermonnées ayant disparu, quand j’apparais, Pitho me livre son sentiment :
- Jeune maîtresse, te voilà seule et ça m’ennuie.
Autant la rassurer :
- Dans deux mois, Lucius Priscus sera de retour.
Pitho me regarde, soupire et me dit :
- Si l’homme décide de son départ, son retour est programmé par les dieux. Ils te rendront ton époux quand ils en auront envie. Nul ne peut fixer le cours de son destin. »

4. « J’aimerais faire comprendre que l’amour n’a que faire des frontières, qu’on peut aimer un ennemi sans trahir sa patrie. Ma courte expérience me conduit à douter de la paix…
Je me sens écrasée par des responsabilités auxquelles je n’étais pas préparée. Je parviendrai à diriger le domaine donc à faire vivre ma famille et les serviteurs. Mais je serai seule à réussir ou à échouer.
Isolée dans un monde où seuls les hommes comptent, je serai toujours considérée comme une marginale, ce qui me rendra suspecte aux yeux des femmes et détestable à ceux du sexe opposé.
Ai-je vraiment envie de lutter sans cesse pour exister ? Mon grand-père devait pressentir ma destinée puisqu’il m’a dotée d’un savoir -faire réservé aux garçons. L’ennui, c’est qu’il n’avait pas évalué le peu d’importance qu’on concède à mon sexe…
… Quoiqu’il m’arrive, je n’ai pas d’autre choix que d’accepter mon destin même si les lauriers de mon moral sont coupés, irrémédiablement coupés. »

Rencontres avec le Roman Fatum, les lauriers sont coupés de Nicole Voilhes
Rencontres

 

Rencontres avec le Roman Fatum, les lauriers sont coupés de Nicole Voilhes